Périple en Franche Comté – Eté 2008 – La Haute Rivière d'Ain à Champagnole.

        Le
soleil du troisième jour au bord de la Loue se leva, et nous décidâmes, bien
que n'ayant pris la carte de pêche que pour les deux précédents, de pêcher
à nouveau ce coin enchanteur durant la matinée. Quelques truitelles sont venues
saluer nos mouches, puis nos mains avant de repartir dans leur élément
frétillantes de vie et d'adrénaline… L'astre diurne au zénith, nous avons
remballé le camp, rangé les cannes, bu une bière (décidément !) et
grignoté le peu de nourriture qui nous restait, c'est-à-dire quelques biscuits
au blé, un peu de sirop de fraise, un quignon de saucisson desséché et du pâté
moisi. On a jeté un dernier œil sur la rivière, embrassé du regard ce coin
accueillant au sein duquel nous avions passé d'excellents moments de pêche et
d'humanité, fermé le coffre, puis les portières en vérifiant cinq ou six fois
que nous n'avions rien oublié. Je tiens à préciser ici qu'il ne restait comme
signe de notre passage qu'un disque de cendres noirâtre entouré de quelques
pierres. Pas un papier, pas un mégot, pas un bouchon de canette… C'est
normal, mais important de le dire ! J'ai tourné la clé de contact,
desserré le frein à main, enclenché la première et on s'est engagé sur le
chemin, puis sur la route montante de Mouthier Haute Pierre qui surplombe les
gorges de la rivière. On s'est arrêté un instant sur une zone un peu plus large
de la route pour admirer ces gorges profondes et sauvages dans leur écrin de
verdure estivale. Les pentes des falaises moussaient de végétation et c'était
très beau.

 

 

        Nous nous sommes à nouveau
arrêtés à proximité de la ville de Pontarlier pour un ravitaillement en tabac
et en nourriture puis nous sommes repartis en direction de Champagole. Le
gérant du camping municipal nous a accueilli en étant presque surpris que nous
soyons français… En effet, la population de ce dernier était constituée à 90%
de hollandais ! On a demandé un emplacement proche de la rivière et nous
avons obtenu le plus proche. On s'est installé rapidement et on a dévalé le
chemin qui descendait vers la Haute Rivière d'Ain, rivière mythique s'il en
est, sans cannes parce que nous n'avions pas eu le temps d'aller acheter les
cartes de pêche et que nous ne voulions pas prendre de risques, même si c'était
un peu frustrant…

 

     La rivière formait un large plat puis dévalait en une veine puissante et
profonde sur l'aval, du côté gauche. Un radier à droite, une grande retourne à
gauche et une succession de postes tous plus beaux les uns que les autres
s'offraient à nos yeux émerveillés, pleins d'envie et d'espoirs. On a remonté
le chemin côté droit, et on est passé près d'une station d'épuration à l'amont
de laquelle deux moucheurs commençaient leur coup du soir. J'ai engagé la
discussion poliment avec le premier qui était en train de refaire son bas de
ligne, un type sympa, assez jeune. Nos ventres gargouillaient alors et, la nuit
faisant son apparition quotidienne, nous sommes remontés au camping pour
manger. Vu qu'on avait vraiment faim, on s'est fait un petit resto, sauf qu'on
est allé à pattes au centre ville et que tout était fermé quand on y est
arrivés à 23h ! Heureusement, on a trouvé « La Taverne », petit
resto sympa qui nous a acceptés, nous, pauvres pêcheurs, morts de faim,
pauvres, et jeunes. Deux pizzas et une bouteille de rosé dans le pif, on a
engagé la conversation avec la patronne, une femme blonde d'une quarantaine
d'année vraiment « bien conservée », passez moi l'expression… Les
pizzas étaient excellentes, le vin frais, la chaleur ambiante agréable, la déco
sympa, la patronne aussi et on est resté un peu, jusqu'au moment où un grand
bruit de fracas dehors a fait sortir notre interlocutrice. Des mecs avaient
balancé un caillou dans la vitrine et défoncé le tableau du menu du jour. Y'a
vraiment des cons partout, elle avait apparemment déjà eu à faire à eux… On est
rentré repus et fatigués au camping ou pour la première fois de ces vacances
nous avons passés une soirée sans feu de bois, ce qui était triste et non
autorisé dans l'enceinte du village éphémère.

 

           
Au réveil, on a commencé à pêcher à l'aval du poste dont je parlais tout à
l'heure, puis on a remonté doucement le courant, chacun choisissant les postes
qu'il pêcherait de façon à ne pas trop s'éloigner de l'autre, mais suffisamment
quand même pour être discret. Nico a fait rapidement une truite, puis ce fut le
calme plat jusqu'au milieu d'après midi, ou je fis plusieurs poissons mais pas
des gros. J'ai découvert ce jour là la limpidité des eaux de l'Ain et j'en suis
encore retourné. Sur cette bordure près de la station d'épuration (je sais, ce
n'est pas très engageant mais il en faut et ça ne puait pas !), des
truites maraudaient entre les buissons à moitié immergés et je pouvais
apercevoir dans les trouées certains poissons très corrects, entre 35 et
45cm !

 

        N'ayant quasiment jamais
pêché à vue, ça m'a fait bizarre, et mes premières tentatives en sèche furent
un échec… Il faut dire que la rivière à cet endroit était très calme et la
moindre entrée dans l'eau provoquait une onde sournoise qui alertait les
poissons autant qu'un tsunami. La pêche était donc vraiment difficile, mais ça
me plaisait ! On a pêché pendant 9h ce jour là, je crois que ce fut la
plus longue journée de pêche de ma vie. Par contre, peu de poissons et pas de
gros… La rivière est splendide juste en aval de Champagnole : radiers,
lisses, courants et blocs rocheux ponctuent l'eau qui coure. La limpidité est
impressionnante et le nombre de postes l'est tout autant. On comprend, quand on
noie son regard dans les profondeurs bleues, que de très gros poissons hantent
ces eaux magiques. Les apercevoir nécessite discrétion, patience, connaissance
des postes et un peu de chance, il faut bien le dire.

 

 

 

        Un bémol dans la
perfection : les gosses, les chiens et les baigneurs hollandais. Le Nico
m'a raconté qu'il avait repéré un super gobage sur une bordure, discret, sous
les frondaisons dans une veine d'eau, une rond qui sent la grosse cliente
dessous… Il se prépare, entre dans l'eau trente mètre en aval, remonte à pas de
loups pendant presque un quart d'heure, arrive à distance de lancer, sèche sa
mouche, vérifie son bas de ligne, sort de la soie et là un gourdin de la taille
d'une batte de base ball passe en sifflant à deux mètres de sa tête chevelue
pour tomber dans l'eau à proximité du poste convoité dans un bruit écœurant,
annihilant à jamais ses espoirs de voir ce poisson vers lequel il avait mis
toute son application en l'approchant. Le « Va chercher !» qu'il a
entendu immédiatement après, suivi de la chute d'un grand chien se jetant à
l'eau dans ses pieds a achevé de le dégoûter et c'est plein d'amertume qu'il
m'a rejoint pour me conter cette mésaventure.  Je me souviens aussi
d'avoir engueuler des gosses qui balançaient des cailloux, ces derniers
atterrissant un peu trop près de nos postes pour qu'on laisse passer. Même
s'ils n'ont rien compris car ils étaient hollandais, les tons de voix sont
universels et ils ont déguerpis rapidement après avoir entendu ma voix que je
me suis efforcé à rendre sévère voire menaçante.

 

          On est rentrés au camping tués et puants, surtout moi, l'odeur nauséabonde qui
émanait de mon waders commençant limite à me donner la nausée. Imaginez la
moiteur et les effluves d'un pied gauche qui a macéré dans l'eau moussue
croupissant au fond d'un chausson en néoprène pendant une journée de chaleur
terrible… On s'est bien marrés ce soir là car je décidais d'aller direct à la
douche sans prendre la peine d'enlever cette seconde peau fétide. Vous auriez
vu la tête des gens qui m'ont vu entrer dans la douche en waders, c'était
tordant !

Le
lendemain on a voulu prendre la voiture pour monter vers le parcours de Syam
dont j'avais entendu le plus grand bien. Après avoir vraiment galéré à trouver
l'endroit, on est tombé sur ce qu'on pensait être un des deux affluents de
l'Ain, la Saine ou la Lemme. On avait le droit de pêcher ces deux rivières avec
nos cartes vacances et vu la beauté de celle qu'on avait devant nous sous ce
petit pont, on a garé la bagnole. On s'est équipés et on est descendus à l'eau.
Il faisait vraiment très chaud ce jour là et vers midi le Nico commençait à
montrer des signes d'irritation. Ses bougonnements m'énervaient car c'était
vraiment splendide, la température était certes caniculaire mais l'eau restait
fraîche et l'endroit magnifique ! Dès l'arrivée au premier poste, on a vu
une belette perchée sur un rocher. Elle courait entre les acines des arbres
rivulaires et les berges, sautillant avec agilité. L'animal, curieux, se
laissait approcher et j'étais finalement à une distance de canne lorsqu'il a
disparu dans son trou. Encore une super rencontre avec un animal sauvage au
bord de l'eau, c'était déjà génial. J'ai distancé un peu le Nico en remontant
plus vite pour éviter de subir les grognements infondés de mon ami. (Excuses
moi gros si tu me lis mais tu sais que c'est pas faux ;o))

 

Pas un
seul gobage sur cette rivière de cristal écrasée sous la fusion du soleil au
zénith, mais grâce à un bon passage dans un courant parfait, j'ai réussi à
ferrer un bel ombre, puis une petite truite.

 

 

        Ce fut les deux seuls
poissons de la journée. Pour ma part, c'est un des endroits les plus beaux que
je n'ai jamais pêché (encore !). L'eau serpentait dans les pâturages et
selon la topographie, ses coudes formaient des méandres superbes. Encore des
radiers, des lisses, des îlots, des plages de galets, des courants luisants
bordés d'arbres sauvages d'un vert profond, le tout sous un pur ciel bleu
d'été.

 

La pêche
n'était pas productive et c'est avec un délicieux soulagement que je trouvais
une veine d'eau limpide et assez profonde pour accueillir mon corps brûlant.
J'ai alors quitté mon waders, mon gilet de pêche et j'ai posé ma canne sur les
galets. J'ai enlevé alors mon t-shirt et ais sauté en caleçon dans l'eau froide
de la Saine (car c'était bien cette rivière que l'on pêchait). La suave
sensation du liquide frais qui m'enveloppa soudain m'a plongé dans un bonheur
fou, c'était absolument génial d'être ici, si libre, si loin, si ivre… Je
pensais au Nico qui n'allais pas trop bien et décidait de l'attendre en me
laissant sécher au soleil, en mâchouillant une herbe puis en fumant une clope.
J'ai même bu une gorgée minuscule dans la rivière tellement il faisait chaud et
que j'avais la langue et la gorge râpeuse presque comme Diam's, ce qui n'est pas
drôle…

 

Il
n'arrivait pas et je changeais alors de berge, après m'être rhabillé, pour
remonter à sa rencontre. Habitué à progresser discrètement, même quand je ne
pêche pas,  j'ai fais une peur bleu à un couple à poil qui prenait le
soleil sur une pente d'herbe en bordure, ce qui m'a fait beaucoup rire !

 

Je
trouvais mon cher ami à l'aval d'un splendide courant, encore plus grognon que
quand je l'avais quitté, cette fois ci pour une raison évidente : il avait
raté plusieurs poissons.

 

On est
redescendus au pont près duquel on était garé, on a mangé et on a quitté nos
lourdes et chaudes affaires de pêche avec bonheur. Il devait être 17h. La
décision était de retourner au camping pour se reposer un peu et ainsi attaquer
le coup de soir avec un regain de forme, celle de mon acolyte étant au plus
bas.

 

           
Dans le prochain épisode, je vous raconterai ce coup du soir, au cours duquel
j'ai vu la plus énorme truite fario de ma vie dans un poste féérique…

 

12 commentaires.

  1. salut
    ça un plaisir de te lire.
    et de voir qu'il y a des jeunes comme toi au bord de l'eau.
    continue man.

  2. Elle ne m'a pas pris tant de temps que ça… (autant que les autres) en fait il faut juste que j'arrive à trouver un créneau de 3heures ou je squattes l'ordi et qu'on ne me dérange pas… Et l'inspiration aussi, mais en ces temps difficiles de recherche d'emploi c'est pas toujours évident. Mais promis, la prochaine partie arrivera vite ;-))

  3. et par contre François, nous fait pas lanterner autant que la dernière fois hein !!
    J'suis comme les gosses j'aime pas attendre. Ceci étant, celle ci semble t'avoir pris du temps et c'est je trouve la meilleure !

  4. Salut Polycarpe
    Merci pour ton compliment qui me touche d'autant plus que tu as l'air d'en connaître un rayon sur la littérature. Par contre, et j'aime ce genre de commentaire car ça fait avancer, pourrais-tu m'expliquer ce que sont des « scories » ? Et parles moi aussi des « clichés désuets » !
    Merci 😉

  5. Très beau récit, je trouve que tu as un vrai talent de plume,(bon, il y a quelques petits scories, comme quelques clichés un peu désuets, dans ce récit )mais c´est un vrai régal de te lire.

  6. Merci les gars
    C'est vraiment une des plus belles rivière que j'ai jamais vue… Avec des grôôôsses tatas y paraît !
    Le prochain article : ma première en NAV et une vision stupéfiante…

  7. Trés belles photos de ce petit coin de paradis , un ombre magnifique et un récit qui ménage le suspense .

Commentaires clos.