Périple en Franche-Comté – été 2008 – Admiration et rencontres.

 

Après la
fameuse truite du Nico en fin d'après midi, nos espoirs se portaient evidemment
sur des prises futures identiques voire superieures. Il n'en fut rien au coup
du soir et malgré les nombreux poissons leurrés, aucun n'atteignait la barre un
peu mythique pour nous des 40 centimètres.

 

Alors que je m'appliquais
à peigner un joli courant en bordure, à l'endroit où le ruisseau qui nous
servait de frigo se jetait dans la Loue (voir ci dessus), une voix venant de derrière me fis un
peu sursauter…

         
Salut ! Alors ça mord ? (Ah la sempiternelle,
l'universelle et l'idiote phrase de l'ignorant !)

         
Un peu… (réponse de pêcheur concentré dans toute sa
splendeur… vague !)

         
Tu pêche à quoi ?

         
A la mouche

         
Ah bon… Et ça marche ?

         
Un peu… (bis)

 

S'en est suivi
un dialogue et une description brève mais précise de ma part de la technique de
la pêche à la mouche (je ne suis pas encore un vieux con lol) avec un ado sympa
et ouvert. De nature loquace et très enthousiaste quand vient l'heure de parler
(à un jeune intéressé en plus) de ma passion, je lui expliquais alors le
lancer, les mouches, les poissons et leur alimentation, puis mon amour pour la
nature, les animaux et le ciel, les elements et la liberté… Tout ça un peu
pêle-mêle mais avec une telle vérité qu'il me trouvait sympa, enfin je crois,
car il a accepté mon invitation à boire une mousse au camp le soir même quand
le feu serai dejà haut.

 

Le Nico m'a
rejoint entre chien et loup et on s'est raconté nos prises. Je lui parlais de
ma rencontre avec Arthur et de l'invitation que je lui avais proposé. Nous nous
sommes dirigés vers le camp et on a sorti les bières du « frigo »
pour en siffler une avant d'aller « chercher » encore un peu de bois
pour la soirée. On a mangé un morceau puis on a commencé à chanter la liberté
sous les étoiles, un mélange de guimbarde, de kazoo et de chant vaudous…
Evidemment quelques titres de Tryo, des Amis d'ta femme et de l'ami Brassens
ont aussi résonné dans cette vallée perdue, les echos du « gorille »
rebondissant entre les parois boisées de resineux, ricochant sur les blocs de
calcaires des berges avant d'être emportés par la rivière et le vent…

 

Arthur nous a
encore fait sursauté ce soir là… Il est arrivé sans un bruit, comme quelques
heures auparavant lors de notre première rencontre. Son VTT dernier cri, tout
suspendu et aussi blanc que la monture de plastique de ses lunettes de soleil, glissait
sur le chemin aussi silencieusement qu'un canoë d'indien sur un lac du Yukon,
mais plus vite quand même. Quand on est au bord d'un feu en pleine nuit, la
lumière de celui-ci ne permet pas de bien voir se qui se trame autour, même
quand la Lune éclaire bien comme c'était le cas ce soir là, c'est pour ça qu'on
a eu une drôle d'impression quand on a soudain vu quelqu'un ! ( il était
tard et je l'avais un peu oublié j'avoue…). Arthur est alors apparu et a sorti
un pack de 1664 de son sac à dos et s'est assis près du feu après avoir salué
le Nico qu'il ne connaissait pas encore. On a discuté de choses et d'autres, ce
soir là. Il était en vacances chez sa grand-mère à Mouthiers Haute Pierre et s'éclatait
avec son beau vélo dans les montagnes du Doubs. Il avait même fait un aller
retour à Pontarlier dans l'après midi, soit plus de 60 kilomètres !!!

 

Après cette
sympathique soirée, on s'est endormi pour la troisième fois de nos vacances la
tête pleine de rêves et de gobages. Je me souviens que la seule fois ou j'ai
fais les vendanges (dans le Beaujolais), je coupais tellement de grappes de
raisin que le soir, lorsque je fermais les yeux pour m'endormir, je me voyais
encore couper du raisin… Ce soir là, je lançais et lançais encore ma mouche
dans une rivière verte et bleue, c'est quand même plus agréable pour s'endormir
que de couper des putains de grappes de raisin et c'est surtout bon signe, ça
veut dire que j'ai pêché comme un malade toute la journée !

 

Le spectacle
de notre environnement nous inonda encore d'espoir et de bonheur au réveil. On
a pêché comme des fous, ne s'arrêtant qu'un peu pour manger et boire une
canette (faut bien se rafraîchir !) ou fumer une clope ou discuter. J'ai
essayé de remonter le plus possible mais la sortie des gorges était
inaccessible et je m'arrachais à lancer le plus loin que mon petit bras de
levier me le permettait vers l'amont (après avoir peigné ce que j'avais pu),
juché sur le rocher emergeant le plus accessible.


 

Je ne fis rien sur ce poste
magnifique et prometteur mais l'endroit était si beau que j'ai pris quelques
photos pour fixer numériquement la vision qui serait desormais gravée à jamais
dans ma mémoire. J'invitais même le Nico à me rejoindre pour profiter du
spectacle, et nous sommes resté un moment sans pêcher ni même parler, parce que
c'était inutile, c'était juste beau, et on était là pour le voir, et que rien
ni personne ne pourrai troubler ce moment, et qu'on était à notre place à ce
moment, et que c'était naturel, bon et profond comme le pool qui s'étirait
devant nos yeux emplis d'une simple joie, oui, une simple joie.

 

En
redescendant, on a croisé un moucheur. On a evidemment discuté de la pêche dans
le secteur, et je crois bien qu'on est resté une bonne demi-heure à l'écouter
parce que c'était plus un monologue de sa part qu'une discussion à trois
acteurs ! C'est d'ailleurs le moucheur le plus loquace que j'ai jamais
rencontré, preuve quand même que certains savent s'arrêter sur un chemin de
pêche pour parler de choses et d'autres, car on (il) a refait le monde au bord
de la Loue cet après midi là !

 

Le coup du
soir fut aussi sympa pour ma pomme qu'énervant et frustrant pour le Nico. Je
pris deux jolies truites, la première zébrée typique de la rivière, une vraie
autochtone. La seconde, presque sur le même poste, bien plus « etrangère »
que la précedente, voyez par vous-même !

 

 

Le Nico, pour
sa part, était retourné sur le poste où il avait fait « sa grosse »
la veille (tiens donc ?!) mais s'est cassé la gueule sur l'abrupt talus
qui l'y conduisait et je crois même qu'il est tombé au jus… Après ça, un
festival d'emmêlages, de casses dans les arbres et de problèmes de lancer
mirent un bon coup dans l'aile de sa confiance et c'est le moral bas que je le
retrouvais après avoir pour ma part bien réussi mon coup du soir malgré
quelques loupés rententissants. J'ai même arreté de pêcher un moment pour
observer le ballet d'un cincle plongeur, un merle d'eau qui ne vit que près des
rivières pures et oxygénées. Après, on est encore allé « cherché » un
peu de bois et on a fait le feu. Arthur est revenu avec deux copines mais on a
senti que ces jeunes filles n'étaient pas très à l'aise, au bord d'un feu avec
deux ermites sales et inconnus, les yeux luisants dans une nuit de vallée sans
bruits, chantant des chansons et les invitant à boire un coup… On a quand même
été presque corrects jusqu'au moment ou on s'est mis avec le Nico à raconter l'universelle
histoire que les garçons révèlent aux filles dans les bois, vous savez, celle
du jeune qui est mort à cet endroit (un rayon de 100m défini généralement une
bonne aire de peur), l'année dernière à la même époque et on a retrouvé son
corps sans bras… enfin vous voyez bien ce qu'on peut être cons desfois !
On s'est bien marré grâce au vin et à la tronche des filles (et un peu d'Arthur)
au fur et à mesure de l'histoire, qu'on a stoppé rapidement quand même. Ils
étaient assez jeunes et sont rentrés parce que leurs (grands) parents leur
avaient donné une heure fatale au-delà de laquelle l'engueulade serai
proportionnelle à leur retard. Ils nous ont donc laissé avec une chouette qu'on
avait déjà entendu les soirs précedents et avec laquelle le Nico communiquait
admirablement car il savait bien imiter son hululement. Avec ses mains, il
faisait une cavité et appliquait ses pouces pliés sur ses lèvres, puis poussait
quelques souffles courts puis un long, ce qui marchait car la chouette lui
répondait et même se rapprochait au fur et à mesure. Quel moment ! Elle
nous racontait des choses infiniments plus interessantes que ce qu'écoutaient
nos congénères à la même heure, vissés devant leur télé à boire les palabres
puèriles de jeunes attardés du cibouleau ou les analyses financieres d'experts
européens sur la volaille ou encore à suivre les acrobaties de ce super flic
américain qui sauve le monde une fois de plus. Nous, on apprenait une chouette
langue près de la Loue et c'était magique de tisser un lien avec un animal si
sauvage. Ce fut un moment intense car on ne parlait plus du tout. J'avais copié
le Nico et me debrouillait assez pour pouvoir me joindre aux hululements, alors
on alternait nos réponses, et le rapace nous répondait à chacun de façon
différente car nos imitations l'étaient. Tantôt de brefs cris aigus, d'autres
fois de longs gémissement qui se perdaient dans la nuit… C'était féerique,
vraiment et j'aurai aimé que ce moment dure toujours, comme beaucoup d'autres d'ailleurs
dans ces vacances… Ce dialogue nocturne concluait trois jours passé dans un
endroit magnifique à pêcher, à discuter avec des gens (car le site était tout
de même un peu fréquenté durant la journée et c'était parfois chiant de lancer
sa mouche entre les kayaks d'allemands, le chien de bobonne et la marmaille
barbotant à nos pieds…). Il symbolisait beaucoup : la Nature omniprésente,
la magie de la nuit, la rencontre et le dialogue…

 

« Demain,
direction Champagnole ma poule ! » dis-je à Nico avant de dormir…

 

15 commentaires.

  1. Merci totof, ça fait plaisir des commentaires comme le tien !
    Pour la Saulx, c'est un peu le bordel au niveau législatif, mais c'est vrai que elle à l'air vraiment sympa… As-tu lu « Pélerinage sur la rivère Saulx » ? Je te le conseille fortement, c'est un bouquin génial !
    A bientôt peut être, au bord de l'eau…

  2. Ben François Respect! Je viens de parcourir ton blog pour la 1ére fois! Tout y est: l'amitié, le respect de la nature et du poisson, de belles photos, de belles épopées bien narrées,… et cerise sur le gateau, même BRASSENS y est mis à l'honneur! Voilà je tenais à te remercier pour les bons moments que je viens de passer dans ton univers. J'y ferai certainement encore de nombreuses visites.
    Salut l'artiste et à bientôt sur le Net ou au bord de l'eau!
    PS: La SAULX, Superbe rivière!! Tu l'as essayée? Vas y, du côté de Mognéville, Lisle en Rigault ou Robert-Espagne …. Terrible!!

  3. Salut les Nico's ! Et un grand merci à vous 😉 Champagnole c'est la prochaine, faut pas que je la loupe hein ;o))
    M'man, il reste 4 jours… De quoi écrire encore deux ou trois parties… Merci et bizz à tous !

  4. Photos magnifiques, texte superbe je vous imagine vraiment bien tous les 2….en osmose!!
    Pas cool d'avoir fait peur à de jeunes filles!!!
    il reste encore combien de jours à raconter?

  5. Bravo encore pour ces récits. On reconnait la dedans la vrai passion pour la pêche à la mouche et la nature.
    Bye

  6. disons que c'est une forme de liberté, il s'est inventé la sienne, c'est ça qui est à méditer je penses…
    Bonne lecture

  7. Alex tu m'a donné envie de lire Kerouac du coup j'ai emprunté un livre à la médiathèque… Je n'ai pas trouvé « clochards celestes » mais j'ai pris « Le vagabong solitaire ». Mais j'ai peur d'être un peu déprimé à la lecture du bouquin comme j'ai pu l'être après « Le lièvre de Vatanen » ou « La vie selon Gus Orviston »… Cette liberté absolue et inaccessible… 🙁

  8. Merci les gars
    C'est grâce à vos sympathiques commentaire que je me motives à écrire, et ça fait plaisir. Les écrits restent et je souhaite continuer à raconter des histoires tant qu'elles plaisent.
    Merci

  9. Salut françois , ton récit me rappelle les folles aventures de ton sawyer .
    Bonne continuation . Jolies truites .
    A plus fabien .

  10. Super récit. J'adore ta façon de narrer vos aventures.
    Un vrai plaisir de suivre votre périple

  11. cool ton récit cool! en tes façons de voir les choses je me vois au bord de l'eau,ces rivieres du jura me font rever moi aussi le pyreneen mais je commence fort à me demander si ça vaut vraiment le coup d'y monter sans connaitre,on fait peut etre aussi bien sur les rivieres de chez nous.vivement la suite.encore bravo..

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