Périple en Franche-Comté – été 2008 – Le bonheur à l'état pur.

On a donc commencé à pêcher la Loue. Quel délice, de lancer sa soie dans cette rivière tant attendue ! Vous dire que l'on a fait une pêche exceptionnelle serait mentir. Je ne sais même pas combien nous avons pris de poissons ce jour là. Par contre, le plaisir de pêcher dans un tel endroit nous ôtait toute forme de frustration face à des poissons peu coopératifs. Je dirai même que la pêche n'en était que meilleure. On a évidemment commencé par l'aval du parcours, par lequel nous étions arrivés et ou Nico avait aperçu quelques gobages. Pendant que je ne regardais pas, occupé sans doute à refaire ma pointe ou nouer une autre mouche, Nico fit un « Wouuuuff » retentissant, dont la profondeur traduisait nécessairement la sincérité.

 

– Parce que souvent, on se fait des petites blagues, du genre : « Wouuuff t'as vu !! »

« Non »

« Un magnifique bout de bois »

Ce qui ne fait plus rire personne… Mais bon…

 

Il avait vu un « sacré machin monter », je ne sais plus si c'était sur sa mouche ou sur un insecte réel… Il a comme il se doit lancé et relancé à l'endroit ou était supposé être le « machin », mais rien, nada, peau d'zob… Je crois qu'il a quand même fait une ou deux truites à cet endroit, des petites.

 

L'eau était vraiment très froide et comme le port du waders était interdit (‘font chier quand même !) j'ai remballé au coup de soir un peu plus tôt que l'heure légale, d'une part parce que j'avais froid, d'autre part pour aller un peu au bois et préparer le camp. Nous avions décidé de s'éloigner un peu de la voiture pour camper et je voulais amener le matériel nécessaire (tente, lampe, sacs, bouffe, boissons…) avant que la nuit ne tombe complètement.

 

Nico m'a rejoint rapidement en prenant au passage les bières que j'avais oubliées dans l'eau d'un gros ruisseau qui se jetait dans la Loue à cet endroit là. En guise de frigo, on enfermait les canettes dans un filet à mailles fines, celui-là même qui enveloppait mon chest-pack Geologic quand je l'ai acheté (ceux qui l'ont verront de quoi je parle !).

 

Sympa, le frigo ?

On a ramassé un peu de bois mort mais le site, sauvage mais néanmoins assez fréquenté n'offrait pas une réserve de combustible digne d'alimenter un feu tel que nous le concevions, c'est-à-dire un bon et long feu. On a donc été au village, de nuit sans faire de bruit, pour aller en piquer un peu. D'énormes tas de bois – l'hiver est long et froid à Mouthier Haute Pierre – jouxtaient les trois grandes bâtisses que nous avions croisées en arrivant sur le coin. Sans trop de remords, car il y en avait vraiment beaucoup, on a donc tapé un peu dedans pour nous nourrir, nous chauffer et nous éclairer durant la soirée. On est repartis en courant et en rigolant, tels des gamins ricanants après avoir accompli leur infantile forfait. Nous sommes revenus au camp avec notre malhonnête provision et je ne sais plus ce qu'on a mangé. On a apprécié la fraîcheur pétillante de nos 1664 et fumé quelques clopes en les allumant délicieusement avec nos « briquets naturels », c'est-à-dire au bout d'un bâton enflammé, chose que l'on adore faire. Pourquoi utiliser l'artificiel quand le naturel est si simple, si proche, si bon ?

 

L'aube était passée depuis longtemps quand nous nous sommes réveillés le lendemain. Les premières secondes qui suivent l'émergence d'un être humain en voyage sont souvent suivie d'une question cruciale : « Ou suis-je ? ». Ce matin là, la réponse m'apparu en ouvrant la tente…

   

 


 

L'originelle beauté de cette « pré-vallée » était époustouflante. Le vert des feuilles était parfait, l'eau de la Loue claire et fraîche, les bois sombres d'en haut s'éclaircissaient peu à peu, et les oiseaux étaient nombreux. C'était vraiment un coin magnifique. La lumière pure se mélangeait à l'air sain sortant des gorges dans un tableau précis et propre. Aucun bruit parasite ne venait troubler ce paradis. On se sentait si bien qu'on avait l'impression de pouvoir toucher le bonheur, d'un simple geste. Mâchouiller une herbe, regarder le ciel, préparer sa canne. Choisir une mouche, l'attacher et pêcher immédiatement. Voir ce cincle plongeur filer telle une flèche noire et blanche, et surveiller la dérive de sa mouche. Caresser des yeux un courant, un caillou, une racine. Tremper ses mains dans l'eau froide, s'humidifier le visage, fumer une clope (et mettre le mégot dans sa poche !). Contempler encore le ciel, les sapins tout en haut, le martin pêcheur et l'éphémère hésitant, et mouiller son regard avec la rivière, à nouveau, toujours, à jamais.


 

 

Nous nous sommes appliqués durant cette journée à peigner consciencieusement les courants et les bordures de la rivière, en sèche puisque d'une part la nymphe était interdite et que d'autre part nous ne savions pas pêcher à cette technique, que nous trouvions de toutes façon bien moins sympa que la sèche. Le parcours, de la sortie des gorges encaissées jusqu'à l'amont d'une chute au niveau des trois fermes faisait environ 300m. Nous avons donc pêché tranquillement cette portion sans nous presser, en soignant nos dérives et en revenant sur les postes qui n'avaient pas marché quelques heures avant. On est descendus quand même un peu à l'aval, pour voir. On a compris l'origine de la turbidité laiteuse de la Loue qu'on avait vue quand on étaient partis d'Ornans.


 

 


 

Une pelleteuse était carrément dans la rivière, à l'aval d'un pont… Bon, la pêche vers l'aval était compromise, mais la perfection de notre coin sur l'amont était telle qu'on s'en foutait (quoiqu'on étaient quand même dégoûtés de voir ça…). On est donc vite remontés « chez nous » et on a continué à pêcher comme des malades.

 

Voici la vue que nous avions en regardant à l'amont… (le poste était déjà pris !). Pour venir boire un coup "chez nous", suivez la rivière qui tourne au fond à droite et remontez encore un peu…


 

En fin d'après midi, Nico traînait ses mouches à l'endroit ou l'on avait découvert la rivière la veille et ou il avait vu des gobages. J'étais pour ma part un peu plus en amont, m'appliquant à pêcher ma bordure peu profonde. J'entendis soudain un « Gros, amène toi ! Vite !!! ».

« Là, y'a du lourd », me dis-je.

J'accourais par le chemin surplombant la rivière et dévalait l'abrupt talus jusqu'à Nico, cramponné à sa canne, concentré autant que sa canne était courbée. Après un combat homérique, non j'abuse là, mais quand même un beau combat avec rush, reprise de soie et moult contorsions, une jolie zébrée vint dans sa main mouillée et tremblante. C'était ça qu'on était venus chercher ici. La lumière jaune du soleil inondait nos visages radieux (surtout celui du Nico), une belle truite dorée entre les mains, mon fidèle ami était sincèrement heureux, et moi aussi, pour lui. On l'a laissé repartir doucement et elle a zigzagué mollement entre les rochers pour repartir dans les profondeurs de la Loue. Nico m'annonça que d'ores et déjà son séjour était réussi.


 

 

Pour ma part, j'attendais encore Le poisson…

5 commentaires.

  1. Comme quoi la Palm, c'est prendre de beaux poissons difficiles… et c'est aussi tout ce qu'il y a autour ! L'amitié, la nature, la nature vierge du matin et les pelleteuses démoniaques. Un bonne bière et un feu de camp…

  2. Salut fanfouet , profite bien c'est certainement les meilleurs moments de la vie . Libre , pas un sous en poche , mais combien heureux d'être dans la nature pour partager sa passion avec un pote , sans se soucier de l'avenir . Rouler jeunesse !
    Merci pour cette évasion .
    A plus fabien .

  3. Vindiou si j'retrouve le p'tit vaurien qu'a piqué mon bois, y va vouâââââr de quel bois j'me chôôôfe môôôa !!!
    Joli récit !

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